La transat Aller vue par...

La transat vue par Jules

Alors, c’était comment?

Tranquille
Tranquille, car la météo a été très (trop? voir §Long) clémente avec même 3 jours de pétole (sans vent) une fois la moitié du trajet passée. Pas de tempête (en même temps, ce n’est pas la saison) et un vent moyen de 12nds. Seule la première et les 2 dernières journées nous auront permis de bien aligner les milles grâce à un vent à 20nds et plus (force 5/6). On a ainsi pu améliorer notre record de distance parcourue en 24H avec le bateau (195Milles).
Ce que disait mon père avant de partir était donc vrai: c’est bien plus compliqué de faire France/Cap-vert que de traverser l’Atlantique.
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Tranquille aussi car mon père était justement avec nous. Avoir quelqu’un de très expérimenté en plus sur le bateau - qui plus est mon père- change tout: en cas de soucis, on sait que l’on peut compter sur lui, et les quarts de veille la nuit sont aussi beaucoup plus courts! Pouvoir dormir sur ses 2 oreilles pendant 6h d’affilée est un luxe auquel nous n’avions pour le moment jamais goûté. Avec plus de sommeil, on est plus lucide et généralement de meilleure humeur…

Long
Oui, 15 jours c’est long. C’est d’autant plus long que les manoeuvres sont assez espacées (nous ne sommes pas en régate) et que le vent est faible. Je m’imaginais une traversée avec un peu plus d’action. Pas de cargos ou de bateaux de pêche à éviter non plus.
Long aussi car les communications avec l’extérieur sont très limitées. On a tout de même bien apprécié vos messages d’encouragement! Merci.

Court
Cela, je ne l’ai écrit qu’après être arrivé… Parce qu’on oublie vite que cela a été parfois long. Mais nous avons fait plus de 4000km tout de même! Les prochaines navigations aux Antilles vont nous paraître vraiment très courtes.
15jours, c’était aussi la durée que je m’était donnée pour objectif. Agathe (ma soeur) qui devait nous retrouver en Martinique exactement 15jours après notre départ a décidé de décaler d’un jour son arrivée. Pas confiance en nous Agathe? Tu devrais savoir que je ne suis jamais en retard.
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Agréable
Surfer sur la longue houle de l’Atlantique est le rêve de tous les voileux. C’était mon cas et on sent bien les vagues pousser le bateau, même avec une faible houle. Le bateau a toujours eu des réactions saines et s’est toujours montré rassurant.

Agréable aussi car, pour la première fois, nous avons pu vivre quasiment « normalement ». Personne n’a été malade (Fait rare: les seaux bleus n’ont pas servis). On a pu dévoré des bouquins et regarder des films en famille. On n’a rarement aussi bien mangé (du pain frais et des plats maisons tous les jours). Les filles ont été très studieuses avec des grosses séances de CNED tous les matins (on va pouvoir prendre des « vacances » en arrivant). Sophie nous a même donné des cours de Yoga sur le trampoline (les filets à l’avant) au coucher du soleil…

Des moments clés?
Le moment où l’on a fait la moitié du trajet. On ne compte alors plus les jours depuis le départ, mais ceux qui restent pour arriver. On commence à relire les guides nautiques des Antilles pour préparer ses prochaines escales. On se met à écouter Frankie Vincent en pensant au Ti-Punch que l’on va prendre en arrivant. Bref, on s’y voit déjà.

Tous les matins quand on s’échange par SMS satellite nos positions avec les batocopains partis un peu avant ou un peu après nous. On s’encourage quand on attend le vent, on se félicite de nos pêches miraculeuses et de nos vitesses dignes de bateaux de course, on planifie nos apéros…

La pêche à la traîne. Sans du tout devenir des experts, chaque mise à l’eau de la canne à pêche s’est traduite par une belle prise. (Gaëlle, on a pris une photo avec un mètre à côté d’une de nos prises pour Pierre et Jules qui doutent de nos mesures ;). Par contre, je ne suis toujours pas fan du poisson. Dommage que l’on ne puisse pas attraper des boeufs ou des poulets en plein Atlantique.
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La baignade à 2000km des côtes par 5000m de fond. Même si la probabilité de rencontrer de vilaines bestioles est quasi nulle, on ne sera resté dans l’eau que le temps de s’émerveiller du bleu époustouflant des profondeurs.

Alors, maintenant qu’on « l’a fait », est-ce que cela fait de nous de vrais marins?
Certainement pas. On prend juste chaque jour un peu plus d’expérience. Mais on est quand même fier de l’avoir fait!

Maintenant, nous entamons la deuxième partie de notre voyage. Des navigations plus courtes, moins de cultures différentes à découvrir, mais des paysages de carte postale et du temps pour en profiter.

C’est aussi le moment de commencer à réfléchir au prochain grand défi que l’on va se fixer pour les prochaines années ;)


Transat vue par So

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Paisible.
Voilà comment je qualifierai cette transat.
Je l’appréhendais et – contre toute attente – je n’ai jamais autant apprécié une navigation.
Rien à voir avec les conditions de la traversée de 7 jours Canaries / Sénégal où nous avions été chahutés par des vagues de 4 mètres, une houle courte et irrégulière qui claquait violemment contre les coques et la nacelle. Conditions météo, proximité de la Mauritanie, menace de bateaux migrants avaient rendu cette navigation éprouvante. Pour cette transatlantique de 15 jours, la donne a considérablement évolué :
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1- Daniel, le Père de Julien, nous a rejoint. Je dois avouer qu’un homme de plus à bord – qui plus est marin expérimenté – c’est apaisant. La présence de Daniel pendant cette transat me fait l’effet d’une cure d’Euphytose (extrait d'aubépine et passiflore pour "apaiser les esprits"). Depuis le mois d'août, je n'ai jamais aussi bien dormi.
2- Nous sommes à présent trois pour effectuer les quarts. Passer de quarts de 5h/5h30 à des quarts de 3h, ça change tout. Constellations et étoiles filantes veillent et "bienveillent" sur nous, certains quarts me paraissent même trop courts, je réveille Jules un peu plus tard.
3- Les conditions météo clémentes. Portés par un vent moyen de 12/15 nds – excepté les quatre jours de pétole – quelques passages à 20-25 nœuds et une houle d’à peine deux mètres par l’arrière. C’est con-for-ta-ble.
4- Un routeur qui nous suit et nous envoie quotidiennement par Iridium les conditions météo et waypoints à rallier. Un garantie pour déjouer – le cas échéant – les embuscades d’Eole et Poseidon. Même si finalement, les deux energumenes se sont révélés très conciliants, faire appel à un routeur, c’est rassurant.
5- Peu de manœuvres. Poussés par le vent arrière, la route est toute directe, c’est pratique et peu physique - pas assez à mon goût, d'ailleurs.
6- Pas l’ombre d’un bateau de pêche, pas de piège tendus par les filets, peu de cargo (nous n’en croiserons que trois), peu de bateaux-voisins (1 de vue, 3 sur l’AIS). On est loin des parcours du combattant nocturnes le long des côtes espagnoles, portugaises et sénégalaises. Presque une promenade de santé, Daniel avait raison.
7- Aucune avarie technique à signaler. Pas de coque à écoper comme pour la traversée du Golfe de Gascogne, pas de sous-barbe qui rompt lâchement, ni de gennaker qui s’échappe frénétiquement au vent. C’est low-stress and easy-sail.
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Conséquence : cette transat, je l’ai vécue comme une bulle zen au milieu de l’Océan. Un moment suspendu, consciente de vivre une expérience rare.
Jour après jour, la vie s’organise. Chacun trouve sa place, c’est fluide. Peu de sautes d’humeur de l’équipage – si ce n’est quelques facéties d’ado en manque d’activité physique. Les hommes assurent à la technique et aux manœuvres, Manon et Camille "CNEDent" le matin et alternent jeux de société, lecture, cuisine et travaux manuels l’après-midi.
Pendant deux semaines, j’ai beaucoup de plaisir à observer les filles tisser une relation complice avec leur grand-père. Autant de plaisir à assister à la connivence père-fils lorsqu’il s'agit de disséquer les fichiers météo et causer technique.
Cette transat en famille prend tout son sens. Daniel nous a donné, plus jeunes, le goût de la voile et du catamaran - Jules est tombé dedans petit, pour ma part davantage sur le tard. Partager cette aventure transatlantique avec lui, c'est une manière de lui exprimer notre reconnaissance.
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Plusieurs "pépites" pendant cette traversée :
- les leçons de piano face à la mer
- les séances de yoga quotidiennes en solo ou en famille
- les lectures nocturnes pendant les quarts. Je passe ces trois heures casque sur les oreilles (l'oreille droite couverte pour capter des airs d'opéra, l'oreille gauche alerte pour détecter les bruits du bateau et l'alarme du pilote). A la lumière de la table à carte et des écrans de contrôle, absorbée par mes bouquins et la réalisation de montages vidéo, cette veillée-vigie durant quinze jours aurait pu être une corvée, c'est au contraire un moment apprécié et attendu.
- les récrés tous ensemble sur le trampoline
- un cours d'histoire-géo sur le Nouveau Monde et les Navigateurs dispensé par Daniel à Camille
- les parties de pêche
- les bons petits plats : d'un naturel peu porté sur la cuisine (frère et soeur cordons bleus pourraient en témoigner), je n'ai jamais autant cuisiné de ma vie. Si jusqu'à présent la cuisine répondait davantage à un besoin primaire (nourrir ma tribu!) qu' à un réel plaisir du palais, c'est devenu une révélation. Ca tombe bien, puisque "bien bouffer", en navigation, est essentiel pour le moral de l'équipage.
- les échanges quasi-quotidiens avec les bateaux-copains Mimosa, Siminoe, Catapulte et Sequoïa partis à quelques jours d'intervalle. On s'encourage, on se félicite de nos prises et l'on se donne RDV pour fêter la transat début janvier aux Grenadines.
- le soutien de nos familles et amis par Iridium. Merci à tous pour vos messages.

Cette transatlantique s’achève et la nostalgie de ces deux semaines en mer me gagne, un peu comme un bon livre que l'on regrette d’avoir terminé.

Pour les proches, voir la vidéo de la transat dans l'onglet "vidéos" (accès privé).
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