La Havane
La Havane se situe à quelques huit cents kilomètres de la marina Puerto Vita. Nous décidons avec Mimosa d'opter pour une visite du pays en bus, le moyen de transport le plus sécurisé du pays. Certaines ambassades, comme celle de Grande-Bretagne, déconseillent à leurs ressortissants d'emprunter des vols intérieurs pour des raisons de sécurité. C'est donc parti pour 12h de bus de nuit, direction la capitale! En arrivant dans la ville, les couleurs "candy" des maisons coloniales sautent à l'oeil. Valérie nous a déniché une casa particular au coeur du Habana Vieja, un petit bijou.
Nous passons trois jours à déambuler dans les ruelles de la capitale le plus souvent à pied, mais aussi en bici-taxi (tricycle) ou en voiture américaine,
et même en coco-taxi!
Pour s'imprégner de l'histoire et de la culture du pays, on commence par la place de la Revolucion, suivie du musée de la Révolucion qui occupe l'ancien palais présidentiel, dont les murs criblés de balles témoignent encore de la tentative d'assassinat de Batista en 1957. Les documents et photographies oscillent entre propagande et histoire mais cela nous aide à comprendre davantage les 60 dernières années. Derrière le musée, se dresse le pavillon Granma, mémorial dédié au navire qui transporta Castro et ses acolytes du Mexique à Cuba en 1956. L'un des chars utilisé lors de la bataille de la baie des cochons est aussi exhibé.
On enchainera sur le musée des Beaux Arts, dont l'accès par le hall principal nous est interdit pour cause d'effondrement du plafond quelques jours au préalable, alors que le musée vient juste d'être rénové!
Puis l'on flâne sur la Plaza Vieja où les diseuses de bonne aventure attendent les clients, cigare au bec.
Un petit détour par l'artistique Callejon de Hamel…
La Habane ne laisse pas indifférent, c'est la ville de tous les paradoxes. Une ville qui a connu le luxe dans les années 30 et aujourd'hui le délabrement absolu, mais dont l'âme subsiste. Sans doute grâce aux Habaneros qui ne se contentent pas de survivre, mais se débrouillent, créent, rêvent et partagent volontiers leur culture.
Durant ces 2 semaines passées sac au dos à sillonner Cuba, bien des choses nous ont marqués, à commencer par la liberté de la presse, l'économie cubaine et la venue d'Obama.
Retour sur trois sujets qui ne nous ont pas laissés insensibles :
LIBERTE DE LA PRESSE
A Cuba, la constitution prévoit que les médias ne puissent en aucun cas être propriété privée et que la liberté de la presse doit être "conforme aux objectifs de la société socialiste". La presse (écrite, radio et TV) diffusent donc des articles et reportages "choisis". Les journalistes cubains se doivent d'appartenir à l'UPEC (Union des Journalistes Cubains) et doivent, "selon le code adopté par la profession", contribuer "à promouvoir le perfectionnement constant de notre société socialiste".
Au détour d'une rue, nous achetons le Granma, l'un des deux quotidiens nationaux, dans sa version espagnole mais aussi en version française, histoire de se faire une idée par nous-même. On ne sera pas déçu. L'édito, signé de Fidel Castro, revient sur la visite d'Obama portant une vision passéiste et rétrograde comme si la révolution avait figé le pays il y a 50 ans.
Avant 2013, il existait une loi interdisant l'utilisation privée d'internet sans autorisation gouvernementale. Depuis 2013, l'accès internet est officiellement autorisé mais tous les sites ne semblent pas accessibles. La censure continue à sévir. Insolite: la touche @ est la plupart du temps désactivée sur les ordinateurs connectés à internet! Sinon, à travers le pays, on peut acheter à l'Office national des Télécoms ou à des vendeurs à la sauvette, des cartes pour se connecter depuis des points bien précis dans les villes. Nous tomberons à deux ou trois reprises sur des places où des Cubains (et touristes) s'agglutinent téléphones et tablettes en greffons. On prend conscience qu'internet est le seul moyen de communication des cubains avec l'extérieur. La scène nous saisit et l'on mesure à présent les difficultés du quotidien d'une génération muselée. Voir le blog de la dissidente Yoanis SANCHEZ http://www.14ymedio.com/englishedition régulièrement bloqué par les autorités.
En se promenant dans la Havane avec nos amis Valérie et Blaise, nous flânerons sur la place des bouquinistes. Sur les étales, le "choix" de lecture est édifiant : José Marti, les écrits de Fidel et de Raul, celles du Che… 90% des livres sont liés au régime. Seul le Petit Prince viendra ouvrir le champ de la liberté.
L'ECONOMIE CUBAINE
L'état cubain détient 90% des richesses et fait l'objet d'une planification centrale, contrôlée par l'état. La grande majorité de la population active est employée par l'état. La part de l'économie privée reste encore très faible même si Raul Castro a légalement autorisé depuis quelques années la création de business privé. L'industrie du sucre, première manne financière, s'est effondrée depuis les années 90 lorsque les Soviétiques ont arrêté de soutenir artificiellement le cours du sucre. Depuis, le tourisme est devenu une priorité nationale pour renflouer les caisses. Revers de la médaille, on assiste à Cuba à la création d'une économie parallèle basée sur le peso convertible. Société à deux vitesses : d'un côté la population en contact avec les touristes (ou avec les cousins, frères et soeurs exilés à Miami) et les CUC (devises convertibles) qui s'est considérablement enrichie. De l'autre, les Cubains contraints de se contenter de leur salaire mensuel versé par l'Etat en pesos nationaux. A Cuba, tous les salariés de l'Etat perçoivent quasiment le même salaire, du dirigeant à la femme de ménage.
Depuis les années 60, les Cubains sont contraints d'utiliser des livrets de rationnement pour les achats à effectuer dans les magasins d'Etat. La libreta, livret de rationnement, donne accès par mois à : 5 livres de riz, 3 livres de sucre, 10 oeufs, 1/2 litre d'huile, 4 livres d'haricots noirs, 1/8 livre de viande, 1/2 savon pour la toilette et la lessive et 1/2 pain/jour. Le problème réside à la fois dans la pénurie (les magasins sont très irrégulièrement approvisionnés) et l'insuffisance de cette aide pour la majorité des Cubains car elle ne permet de s'approvisionner correctement que deux semaines par mois. Nous assisterons à plusieurs reprises à des scènes de files d'attente où femmes, hommes et enfants patientent avec leurs tickets de rationnement devant les boulangeries ou magasins d'Etat aux étalages bien frêles. Les filles palperont de manière tangible le manque de biens. Les premiers jours, Camille et Manon s'étonneront de se voir distribuer quelques feuilles de papier et un savon à l'entrée des toilettes publics car même le papier toilette et le savon ici sont rationnés.
Depuis l'arrivée au pouvoir de Castro, santé, éducation et logement sont gratuits. Sur les façades des immeubles et maisons, il n'est pas rare de lire les écriteaux suivants : "Se vende o se permuta", appartement à vendre ou à échanger. Depuis peu, les cubains ont le droit d'acheter ou de vendre un logement, jusque là, on devait s'échanger les biens immobiliers. Le niveau de délabrement des immeubles témoigne de la limite du système. Si l'état a doté dans les années 60 chaque famille d'un logement, leur salaire mensuel (avoisinant 25E) ne leur permet pas de l'entretenir.
Sur le Malecon, boulevard qui longe la mer édifié par les Américains début 1900, et dans les ruelles de Vieja Havana (le vieux Havane), le résultat est stupéfiant. Les palais et demeures, initialement cossues, tombent en décrépitude. Notre ami Blaise, qui a vécu à Beyrouth dans les années 80, semblait retrouver certains aspects de la ville après-guerre.
Un grand programme de rénovation est en cours, notamment sur le Malecon et dans le Habana Vieja, subventionné en partie par L'Unesco mais aussi par des investisseurs étrangers. Lentement, la Havane devrait retrouver sa splendeur du passé.
USA-Cuba : LE DEGEL ?
A quelques jours près, nous aurions pu croiser à la Havane Barack Obama et les Stones !
Le vent ne nous a pas porté assez vite mais peu importe, nous aurons au moins eu l'occasion de vivre et d'essayer d'analyser en discutant avec les habitants et grâce aux traductions précieuses de Valérie l'impact de cette visite rendue par celui qui fur longtemps considéré comme l'ennemi cubain n°1. Si nous avons croisé deux drapeaux cubains et américains en guise de bienvenue dans le vieil Havane, une autres affiche 6x2 mètres pronant "le blocus est le plus grand génocide de l'histoire" accolé à une image choc, nous a heurtés près de la place de la Revolucion. Lorsque, par le biais de Valérie, nous échangeons avec la jeune génération, on se rend compte qu'elle aspire à l'ouverture sur le monde et à … partir. Nous échangerons même assez longuement avec un serveur d'une vingtaine d'années qui nous confiera avoir planifié son départ illégal par la mer, pour Miami, trente jours plus tard.
En attendant, d'autres ont pris le parti de l'humour, comme ce restaurant tenu par de jeunes cubains :
De l'autre côté du détroit de Floride, le gouvernement d'Obama a fait part de sa volonté d'ouverture ces dernières années. Il a assoupli les restrictions imposées aux Cubanos-Américains pour retourner à Cuba et autorisé davantage de voyages pour les Américains. L'embargo commercial demeure le problème majeur.
Nous passons trois jours à déambuler dans les ruelles de la capitale le plus souvent à pied, mais aussi en bici-taxi (tricycle) ou en voiture américaine,
et même en coco-taxi!
Pour s'imprégner de l'histoire et de la culture du pays, on commence par la place de la Revolucion, suivie du musée de la Révolucion qui occupe l'ancien palais présidentiel, dont les murs criblés de balles témoignent encore de la tentative d'assassinat de Batista en 1957. Les documents et photographies oscillent entre propagande et histoire mais cela nous aide à comprendre davantage les 60 dernières années. Derrière le musée, se dresse le pavillon Granma, mémorial dédié au navire qui transporta Castro et ses acolytes du Mexique à Cuba en 1956. L'un des chars utilisé lors de la bataille de la baie des cochons est aussi exhibé.
On enchainera sur le musée des Beaux Arts, dont l'accès par le hall principal nous est interdit pour cause d'effondrement du plafond quelques jours au préalable, alors que le musée vient juste d'être rénové!
Puis l'on flâne sur la Plaza Vieja où les diseuses de bonne aventure attendent les clients, cigare au bec.
Un petit détour par l'artistique Callejon de Hamel…
La Habane ne laisse pas indifférent, c'est la ville de tous les paradoxes. Une ville qui a connu le luxe dans les années 30 et aujourd'hui le délabrement absolu, mais dont l'âme subsiste. Sans doute grâce aux Habaneros qui ne se contentent pas de survivre, mais se débrouillent, créent, rêvent et partagent volontiers leur culture.
Durant ces 2 semaines passées sac au dos à sillonner Cuba, bien des choses nous ont marqués, à commencer par la liberté de la presse, l'économie cubaine et la venue d'Obama.
Retour sur trois sujets qui ne nous ont pas laissés insensibles :
LIBERTE DE LA PRESSE
A Cuba, la constitution prévoit que les médias ne puissent en aucun cas être propriété privée et que la liberté de la presse doit être "conforme aux objectifs de la société socialiste". La presse (écrite, radio et TV) diffusent donc des articles et reportages "choisis". Les journalistes cubains se doivent d'appartenir à l'UPEC (Union des Journalistes Cubains) et doivent, "selon le code adopté par la profession", contribuer "à promouvoir le perfectionnement constant de notre société socialiste".
Au détour d'une rue, nous achetons le Granma, l'un des deux quotidiens nationaux, dans sa version espagnole mais aussi en version française, histoire de se faire une idée par nous-même. On ne sera pas déçu. L'édito, signé de Fidel Castro, revient sur la visite d'Obama portant une vision passéiste et rétrograde comme si la révolution avait figé le pays il y a 50 ans.
Avant 2013, il existait une loi interdisant l'utilisation privée d'internet sans autorisation gouvernementale. Depuis 2013, l'accès internet est officiellement autorisé mais tous les sites ne semblent pas accessibles. La censure continue à sévir. Insolite: la touche @ est la plupart du temps désactivée sur les ordinateurs connectés à internet! Sinon, à travers le pays, on peut acheter à l'Office national des Télécoms ou à des vendeurs à la sauvette, des cartes pour se connecter depuis des points bien précis dans les villes. Nous tomberons à deux ou trois reprises sur des places où des Cubains (et touristes) s'agglutinent téléphones et tablettes en greffons. On prend conscience qu'internet est le seul moyen de communication des cubains avec l'extérieur. La scène nous saisit et l'on mesure à présent les difficultés du quotidien d'une génération muselée. Voir le blog de la dissidente Yoanis SANCHEZ http://www.14ymedio.com/englishedition régulièrement bloqué par les autorités.
En se promenant dans la Havane avec nos amis Valérie et Blaise, nous flânerons sur la place des bouquinistes. Sur les étales, le "choix" de lecture est édifiant : José Marti, les écrits de Fidel et de Raul, celles du Che… 90% des livres sont liés au régime. Seul le Petit Prince viendra ouvrir le champ de la liberté.
L'ECONOMIE CUBAINE
L'état cubain détient 90% des richesses et fait l'objet d'une planification centrale, contrôlée par l'état. La grande majorité de la population active est employée par l'état. La part de l'économie privée reste encore très faible même si Raul Castro a légalement autorisé depuis quelques années la création de business privé. L'industrie du sucre, première manne financière, s'est effondrée depuis les années 90 lorsque les Soviétiques ont arrêté de soutenir artificiellement le cours du sucre. Depuis, le tourisme est devenu une priorité nationale pour renflouer les caisses. Revers de la médaille, on assiste à Cuba à la création d'une économie parallèle basée sur le peso convertible. Société à deux vitesses : d'un côté la population en contact avec les touristes (ou avec les cousins, frères et soeurs exilés à Miami) et les CUC (devises convertibles) qui s'est considérablement enrichie. De l'autre, les Cubains contraints de se contenter de leur salaire mensuel versé par l'Etat en pesos nationaux. A Cuba, tous les salariés de l'Etat perçoivent quasiment le même salaire, du dirigeant à la femme de ménage.
Depuis les années 60, les Cubains sont contraints d'utiliser des livrets de rationnement pour les achats à effectuer dans les magasins d'Etat. La libreta, livret de rationnement, donne accès par mois à : 5 livres de riz, 3 livres de sucre, 10 oeufs, 1/2 litre d'huile, 4 livres d'haricots noirs, 1/8 livre de viande, 1/2 savon pour la toilette et la lessive et 1/2 pain/jour. Le problème réside à la fois dans la pénurie (les magasins sont très irrégulièrement approvisionnés) et l'insuffisance de cette aide pour la majorité des Cubains car elle ne permet de s'approvisionner correctement que deux semaines par mois. Nous assisterons à plusieurs reprises à des scènes de files d'attente où femmes, hommes et enfants patientent avec leurs tickets de rationnement devant les boulangeries ou magasins d'Etat aux étalages bien frêles. Les filles palperont de manière tangible le manque de biens. Les premiers jours, Camille et Manon s'étonneront de se voir distribuer quelques feuilles de papier et un savon à l'entrée des toilettes publics car même le papier toilette et le savon ici sont rationnés.
Depuis l'arrivée au pouvoir de Castro, santé, éducation et logement sont gratuits. Sur les façades des immeubles et maisons, il n'est pas rare de lire les écriteaux suivants : "Se vende o se permuta", appartement à vendre ou à échanger. Depuis peu, les cubains ont le droit d'acheter ou de vendre un logement, jusque là, on devait s'échanger les biens immobiliers. Le niveau de délabrement des immeubles témoigne de la limite du système. Si l'état a doté dans les années 60 chaque famille d'un logement, leur salaire mensuel (avoisinant 25E) ne leur permet pas de l'entretenir.
Sur le Malecon, boulevard qui longe la mer édifié par les Américains début 1900, et dans les ruelles de Vieja Havana (le vieux Havane), le résultat est stupéfiant. Les palais et demeures, initialement cossues, tombent en décrépitude. Notre ami Blaise, qui a vécu à Beyrouth dans les années 80, semblait retrouver certains aspects de la ville après-guerre.
Un grand programme de rénovation est en cours, notamment sur le Malecon et dans le Habana Vieja, subventionné en partie par L'Unesco mais aussi par des investisseurs étrangers. Lentement, la Havane devrait retrouver sa splendeur du passé.
USA-Cuba : LE DEGEL ?
A quelques jours près, nous aurions pu croiser à la Havane Barack Obama et les Stones !
Le vent ne nous a pas porté assez vite mais peu importe, nous aurons au moins eu l'occasion de vivre et d'essayer d'analyser en discutant avec les habitants et grâce aux traductions précieuses de Valérie l'impact de cette visite rendue par celui qui fur longtemps considéré comme l'ennemi cubain n°1. Si nous avons croisé deux drapeaux cubains et américains en guise de bienvenue dans le vieil Havane, une autres affiche 6x2 mètres pronant "le blocus est le plus grand génocide de l'histoire" accolé à une image choc, nous a heurtés près de la place de la Revolucion. Lorsque, par le biais de Valérie, nous échangeons avec la jeune génération, on se rend compte qu'elle aspire à l'ouverture sur le monde et à … partir. Nous échangerons même assez longuement avec un serveur d'une vingtaine d'années qui nous confiera avoir planifié son départ illégal par la mer, pour Miami, trente jours plus tard.
En attendant, d'autres ont pris le parti de l'humour, comme ce restaurant tenu par de jeunes cubains :
De l'autre côté du détroit de Floride, le gouvernement d'Obama a fait part de sa volonté d'ouverture ces dernières années. Il a assoupli les restrictions imposées aux Cubanos-Américains pour retourner à Cuba et autorisé davantage de voyages pour les Américains. L'embargo commercial demeure le problème majeur.
blog comments powered by Disqus