La traversée vers le Sénégal vue par Sophie
La nav' Fuerte - Dakar représente plus de 1000 miles, soit une demie transatlantique.
Initialement, une escale de quelques jours au Maroc était prévue, afin de scinder la route et montrer aux filles une parcelle du Sahara. La météo en a décidé autrement : retenus aux Canaries par des vents peu favorables, nous étions à présent contraints de rallier Dakar d'une traite pour rejoindre nos hôtes, Geneviève et Bernard, et mener à bien notre mission pour Voile Sans Frontières.
Jour 1 : La mer est d'huile lorsque nous quittons Tiphaine et JB qui continuent leur route vers Grand Canaria. Manon prépare des cookies, on admire le coucher du soleil sur Fuerteventura puis l'on s'accorde une séance ciné dans le carré, en compagnie de Jack Sparow.
Les quarts s'organisent : Jules prend le premier de 20h à 1h du matin et j'opte pour le suivant jusqu'à 6h30. Le vent oscille entre 3 et 7 noeuds, pétole, nous passons donc la nuit au moteur. La mer est plate ce qui nous permet, pendant notre quart, de dormir comme des bébés par fragment de 15/20mn. La pleine lune nous accompagne pour cette traversée et constitue un avantage majeur puisqu'elle nous évite de naviguer à l'aveugle dans la nuit noire. Nous croisons quelques cargots qui remontent les côtes africaines mais globalement la nuit se passe très tranquillement. Nous savourons ce moment de plénitude.
Jour 2 : on retrouve notre organisation de nav. Le vent s'est quelque peu levé mais nous permet de barrer sous pilote en s'enfilant 2 à 3 films pendant notre quart - une telle boulimie de films, du jamais vu pour ma part. Le lendemain, nous profitons du temps calme pour assurer une séance de Cned musclée.
Jour 3 : en matinée, un couple de dauphins sonne la récré du Cned. Camille insiste pour mettre la canne à pêche à l'eau.
Vers 17h, la ligne se déroule, puis s'emballe, effrenée… Jules peine à la reprendre ce qui nous laisse espérer un trophée conséquent. Le poisson se débat, saute et laisse entrevoir ses écailles fluorescentes : pas de doute, c'est une daurade coriphène. La prise semble de bonne taille pour les pêcheurs en herbe que nous sommes.
Quelques minutes plus tard, elle se révèle de taille plutôt modeste comparée à la masse sombre bleutée qui la traque espérant, elle aussi, en faire son repas.
Après le chat et la souris : shark et la daurade cori !
L'excitation est à son comble. Il s'agit à présent de remonter notre butin au plus vite avant que le requin nous le dérobe ou que la daurade ne se décroche. A hauteur de jupe, Jules s'empare du harpon, la flèche sera sans recours.
Seaview 1 - Shark 0
Trois heures plus tard… ceviche de daurade - selon la recette de Patricia & Paul.
Jour 4 : La nuit a été agitée, nous avons peu dormi.
Nous conservons l'organisation de nos quarts. La mer s'est formée. Elle est à présent désordonnée, très hachée et rend la vie à bord inconfortable. Le vent monte à 15 puis 20 noeuds et les vagues atteignent bientôt 3 mètres. Les filles sont courageuses, elles cnedent. Le vent se calme légèrement et Camille nous prépare un gâteau pour le goûter.
Dans la soirée, le tropique du Cancer est franchi, nous échangeons par Iridium avec nos bateaux-copains Catapulte et Siminoe qui nous suivent à 24h-48h. On se sent un peu moins seuls sur l'Océan ;-)
Nous avons parcouru la moitié du chemin, mais la fatigue se fait sentir. Les filles sont très en forme, nous un peu moins, on se relaie dans la journée pour faire de courtes siestes.
Le vent remonte en rafales à 20 noeuds, on prend un ris et l'on s'apprête à réduire encore la toile en troquant solent contre gennaker. Il m'est de plus en plus difficile d'enrouler le gennaker à la main à l'avant du bateau. Le vent résiste, mes muscles se crispent et cette houle croisée de 3 mètres sous le trampoline me donne le vertige. J'adopte la position du crapeau, jambes fléchies, poids du corps en arrière pour mieux résister à la force opposée du vent dans la voile. Difficile de trouver mon équilibre, "je suis comme une boule de flipper…". Je m'y reprends à 3 fois pour rentrer le gennaker dont l'écoute m'échappe, puis j'entends vaguement Jules hurler "Revieeens…"
Les vagues déferlent et claquent par paquets sur les flotteurs. Le bateau craque, s'ébroue violemment. Si la vie sur un bateau vous fait régulièrement sortir de votre zone de "confort", là il ne s'agit plus d'inconfort… j'entre en zone de turbulences.
Les filles jouent dans le carré et ne semblent pas vraiment affectées, une chance. Pour ma part, une séance de yoga s'impose.
Dans la soirée, on envoie un SMS à nos familles et amis proches via iridium. Recevoir de leurs nouvelles en retour nous donne du courage pour la suite.
Jour 5 : Le vent s'est un peu calmé, pas la mer. Nous sommes sous GV et gennaker. Alors que Manon planche sur son Cned, elle nous interpelle par un "Vous ne trouvez pas que ça sent le Mc Do ?"…
Dans le désert, on peut avoir des mirages et imaginer des oasis rafraîchissants. Il semblerait qu'en traversée, on puisse avoir des "mirages culinaires". Son hallucination la plonge dans une ardeur gastronomique, Manon nous concocte une pizza maison pour le dîner!
On reprend un ris par sécurité, le vent doit remonter dans la nuit.
Jour 6 : Vent à 15/18 noeuds, rafales à 20. La houle est toujours aussi mauvaise, nous sommes franchement secoués. Au réveil, nos amis de Catapulte nous annoncent par Iridium qu'ils se sont pris dans un filet 200 miles au Nord. Eric est contraint de plonger pour dégager le bateau. Ambiance plombée jusqu'au deuxième message confirmant que l'opération s'est déroulée avec succès.
Jour 7 : Vent à 20 noeuds, rafales à 25, on est toujours dans un shaker… Le niveau sonore du vent et des vagues, qui cassent sur la carène, devient peu supportable. J'ai beau chercher, pas de bouton "OFF". Depuis 48h, j'abuse de Doliprane pour soulager mes maux de tête. Nos bateaux-copains, Catapulte et Siminoe, subissent le même sort : nous avons tous le sentiment d'être dans un tambour de machine à laver sur la fonction essorage pendant de longues heures.
Pas de Cned ce matin, conditions impraticables. C'est samedi, on reçoit des SMS de nos amis et de notre famille de Paris ;-))
A 17h, plus que 120 miles à parcourir mais les vagues grossissent encore pour atteindre environ 4 mètres.
Jour 8 : Les vagues sont toujours aussi impressionnantes. Pour détendre l'atmosphère, on improvise pour Halloween une mini chasse au trésor dans le carré. Les moustiquaires achetées pour le Sénégal ouvrent le bal des fantômes.
20h30, les filles vont se coucher, joyeuses, on se prépare pour notre dernière nuit de quart. Le manque de sommeil se fait cruellement sentir. Julien est patraque toute la nuit - effet secondaire du traitement à la Malarone commencée le jour-même ? - je prends le relais, nous sommes si prêt du but.
Au petit jour, un banc de dauphins nous accueille aux portes de l'Afrique et nous accompagnent un long moment. La relève sera prise par les pêcheurs en pirogue colorée.
Vers 12h : "TEEEEEERRE EN VUE !!!". Les filles dansent à l'avant du bateau. Tout au long de la traversée, nous avons été impressionnés par leur comportement : pas une plainte malgré les conditions de nav', pas une chamaillerie, elles ont toujours fait preuve d'enthousiasme - sauf lorsqu'il s'agit d'ouvrir les cours du Cned.
Les derniers miles seront les plus longs. Dans la baie de Dakar, le passage des îles de la Madeleine et de Gorée, baignées par le soleil du soir, restera mémorable.
Il est 18h lorsque nous mouillons dans la baie de Hann. Soulagés, exténués mais heureux.
Initialement, une escale de quelques jours au Maroc était prévue, afin de scinder la route et montrer aux filles une parcelle du Sahara. La météo en a décidé autrement : retenus aux Canaries par des vents peu favorables, nous étions à présent contraints de rallier Dakar d'une traite pour rejoindre nos hôtes, Geneviève et Bernard, et mener à bien notre mission pour Voile Sans Frontières.
Jour 1 : La mer est d'huile lorsque nous quittons Tiphaine et JB qui continuent leur route vers Grand Canaria. Manon prépare des cookies, on admire le coucher du soleil sur Fuerteventura puis l'on s'accorde une séance ciné dans le carré, en compagnie de Jack Sparow.
Les quarts s'organisent : Jules prend le premier de 20h à 1h du matin et j'opte pour le suivant jusqu'à 6h30. Le vent oscille entre 3 et 7 noeuds, pétole, nous passons donc la nuit au moteur. La mer est plate ce qui nous permet, pendant notre quart, de dormir comme des bébés par fragment de 15/20mn. La pleine lune nous accompagne pour cette traversée et constitue un avantage majeur puisqu'elle nous évite de naviguer à l'aveugle dans la nuit noire. Nous croisons quelques cargots qui remontent les côtes africaines mais globalement la nuit se passe très tranquillement. Nous savourons ce moment de plénitude.
Jour 2 : on retrouve notre organisation de nav. Le vent s'est quelque peu levé mais nous permet de barrer sous pilote en s'enfilant 2 à 3 films pendant notre quart - une telle boulimie de films, du jamais vu pour ma part. Le lendemain, nous profitons du temps calme pour assurer une séance de Cned musclée.
Jour 3 : en matinée, un couple de dauphins sonne la récré du Cned. Camille insiste pour mettre la canne à pêche à l'eau.
Vers 17h, la ligne se déroule, puis s'emballe, effrenée… Jules peine à la reprendre ce qui nous laisse espérer un trophée conséquent. Le poisson se débat, saute et laisse entrevoir ses écailles fluorescentes : pas de doute, c'est une daurade coriphène. La prise semble de bonne taille pour les pêcheurs en herbe que nous sommes.
Quelques minutes plus tard, elle se révèle de taille plutôt modeste comparée à la masse sombre bleutée qui la traque espérant, elle aussi, en faire son repas.
Après le chat et la souris : shark et la daurade cori !
L'excitation est à son comble. Il s'agit à présent de remonter notre butin au plus vite avant que le requin nous le dérobe ou que la daurade ne se décroche. A hauteur de jupe, Jules s'empare du harpon, la flèche sera sans recours.
Seaview 1 - Shark 0
Trois heures plus tard… ceviche de daurade - selon la recette de Patricia & Paul.
Jour 4 : La nuit a été agitée, nous avons peu dormi.
Nous conservons l'organisation de nos quarts. La mer s'est formée. Elle est à présent désordonnée, très hachée et rend la vie à bord inconfortable. Le vent monte à 15 puis 20 noeuds et les vagues atteignent bientôt 3 mètres. Les filles sont courageuses, elles cnedent. Le vent se calme légèrement et Camille nous prépare un gâteau pour le goûter.
Dans la soirée, le tropique du Cancer est franchi, nous échangeons par Iridium avec nos bateaux-copains Catapulte et Siminoe qui nous suivent à 24h-48h. On se sent un peu moins seuls sur l'Océan ;-)
Nous avons parcouru la moitié du chemin, mais la fatigue se fait sentir. Les filles sont très en forme, nous un peu moins, on se relaie dans la journée pour faire de courtes siestes.
Le vent remonte en rafales à 20 noeuds, on prend un ris et l'on s'apprête à réduire encore la toile en troquant solent contre gennaker. Il m'est de plus en plus difficile d'enrouler le gennaker à la main à l'avant du bateau. Le vent résiste, mes muscles se crispent et cette houle croisée de 3 mètres sous le trampoline me donne le vertige. J'adopte la position du crapeau, jambes fléchies, poids du corps en arrière pour mieux résister à la force opposée du vent dans la voile. Difficile de trouver mon équilibre, "je suis comme une boule de flipper…". Je m'y reprends à 3 fois pour rentrer le gennaker dont l'écoute m'échappe, puis j'entends vaguement Jules hurler "Revieeens…"
Les vagues déferlent et claquent par paquets sur les flotteurs. Le bateau craque, s'ébroue violemment. Si la vie sur un bateau vous fait régulièrement sortir de votre zone de "confort", là il ne s'agit plus d'inconfort… j'entre en zone de turbulences.
Les filles jouent dans le carré et ne semblent pas vraiment affectées, une chance. Pour ma part, une séance de yoga s'impose.
Dans la soirée, on envoie un SMS à nos familles et amis proches via iridium. Recevoir de leurs nouvelles en retour nous donne du courage pour la suite.
Jour 5 : Le vent s'est un peu calmé, pas la mer. Nous sommes sous GV et gennaker. Alors que Manon planche sur son Cned, elle nous interpelle par un "Vous ne trouvez pas que ça sent le Mc Do ?"…
Dans le désert, on peut avoir des mirages et imaginer des oasis rafraîchissants. Il semblerait qu'en traversée, on puisse avoir des "mirages culinaires". Son hallucination la plonge dans une ardeur gastronomique, Manon nous concocte une pizza maison pour le dîner!
On reprend un ris par sécurité, le vent doit remonter dans la nuit.
Jour 6 : Vent à 15/18 noeuds, rafales à 20. La houle est toujours aussi mauvaise, nous sommes franchement secoués. Au réveil, nos amis de Catapulte nous annoncent par Iridium qu'ils se sont pris dans un filet 200 miles au Nord. Eric est contraint de plonger pour dégager le bateau. Ambiance plombée jusqu'au deuxième message confirmant que l'opération s'est déroulée avec succès.
Jour 7 : Vent à 20 noeuds, rafales à 25, on est toujours dans un shaker… Le niveau sonore du vent et des vagues, qui cassent sur la carène, devient peu supportable. J'ai beau chercher, pas de bouton "OFF". Depuis 48h, j'abuse de Doliprane pour soulager mes maux de tête. Nos bateaux-copains, Catapulte et Siminoe, subissent le même sort : nous avons tous le sentiment d'être dans un tambour de machine à laver sur la fonction essorage pendant de longues heures.
Pas de Cned ce matin, conditions impraticables. C'est samedi, on reçoit des SMS de nos amis et de notre famille de Paris ;-))
A 17h, plus que 120 miles à parcourir mais les vagues grossissent encore pour atteindre environ 4 mètres.
Jour 8 : Les vagues sont toujours aussi impressionnantes. Pour détendre l'atmosphère, on improvise pour Halloween une mini chasse au trésor dans le carré. Les moustiquaires achetées pour le Sénégal ouvrent le bal des fantômes.
20h30, les filles vont se coucher, joyeuses, on se prépare pour notre dernière nuit de quart. Le manque de sommeil se fait cruellement sentir. Julien est patraque toute la nuit - effet secondaire du traitement à la Malarone commencée le jour-même ? - je prends le relais, nous sommes si prêt du but.
Au petit jour, un banc de dauphins nous accueille aux portes de l'Afrique et nous accompagnent un long moment. La relève sera prise par les pêcheurs en pirogue colorée.
Vers 12h : "TEEEEEERRE EN VUE !!!". Les filles dansent à l'avant du bateau. Tout au long de la traversée, nous avons été impressionnés par leur comportement : pas une plainte malgré les conditions de nav', pas une chamaillerie, elles ont toujours fait preuve d'enthousiasme - sauf lorsqu'il s'agit d'ouvrir les cours du Cned.
Les derniers miles seront les plus longs. Dans la baie de Dakar, le passage des îles de la Madeleine et de Gorée, baignées par le soleil du soir, restera mémorable.
Il est 18h lorsque nous mouillons dans la baie de Hann. Soulagés, exténués mais heureux.
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