Le Yacht et l'Amant de Patagonie
La baie de l’Ensanada est particulièrement agréable. La forêt de pins et d’eucalyptus, tapissée de fougères desséchées par le soleil, présente des nuances de verts, d’ocres et de roux qui surplombent les rochers et l’eau claire. Quelques bateaux sont paisiblement au mouillage. Nos « voisins » déjeunent et c’est pour nous l’heure de « farnienter ». Le soleil donne, les filles s’adonnent à une séance de matelotage dans le carré – la pomme de Touline les accaparent depuis 24h. Jules ajuste quelques bouts du lazybag qui ont eu une fâcheuse tendance à danser le flamenco sur le mât. Et le flamenco, en pleine nuit quand le vent se lève, n’est pas à notre goût.
Adossée sur les vitres du roof, je dévore « L’Amant de Patagonie » - magnifique livre d’Isabelle Autissier sur le Nouveau Monde fin 19ème, l’évangélisation et les indiens Yamanas. Captivée par les aventures d’Emily et Aneki, je me délecte du moment présent. La lumière, les couleurs, le calme, la plume d’Autissier. En échangeant quelques mots avec Jules, il me semble que le yacht mouillé à côté de nous se soit légèrement rapproché. Un soupçon de brise s’est levé et les bateaux du mouillage ont tourné. Je me ravise, songeant que le soleil commence à me taper sur la tête malgré mon couvre chef et réalise que dans mon livre, l’héroïne se retrouve entre illusion et réalité… Absorbée par ce récit, il se pourrait bien que je sois, moi aussi, sujette à quelques chimères. Je replonge donc le nez dans la vibrante Patagonie.
Soudain, l’ombre de Jules se déplace rapidement et sans bruit – il se pourrait bien qu’il ait été indien Yamana dans une autre vie – je relève la tête : la proue du yacht se situe à présent à 1,50 m de l’étrave de Sea View et continue lentement à déraper. Dans un calme assez déconcertant, Jules amortit le premier choc et part chercher des pare-battages. Je me précipite à l’avant pour prendre la relève avec l’aide des deux propriétaires, alors que le yacht de 25m continue à progresser lentement. J’ai bien conscience que c’est tout ce qu’il ne faut pas faire et pourtant je ne peux me contenter d’être témoin de cette scène sans intervenir. Nous leur crions : « hurry up, YOUR ANCHOR IS MOVING !! » Nos interlocuteurs nous regardent ébettés, les bras ballants, deux femmes cigarettes au bec continuent de lézarder en commentant la scène de leur matelas... La passivité de l’équipage nous laisse penser qu’ils nous prennent pour des saltimbanques ayant mal mouillé leur ancre. A moins que la taille de leur yacht ne les rende intouchables.
Finalement David embrasse Goliath, les coques se frôlent.
On retourne à l’avant constater les dégâts, plus de peur que de mal. Ils finissent enfin par remonter leur ancre et l'on s’aperçoit qu’ils n’avaient au plus que 20m de chaine, par 10m de fond (alors qu'il est conseillé de mettre 5/6 fois la hauteur d’eau pour éviter les dérapages). No comment. Pas de « sorry » de leur part non plus. Ils rejoignent leurs amis attablés à l’arrière du bateau et les deux greluches – que cette collision ne semble avoir en rien ébranlées - continuent de caqueter. L’incident est clos.
Adossée sur les vitres du roof, je dévore « L’Amant de Patagonie » - magnifique livre d’Isabelle Autissier sur le Nouveau Monde fin 19ème, l’évangélisation et les indiens Yamanas. Captivée par les aventures d’Emily et Aneki, je me délecte du moment présent. La lumière, les couleurs, le calme, la plume d’Autissier. En échangeant quelques mots avec Jules, il me semble que le yacht mouillé à côté de nous se soit légèrement rapproché. Un soupçon de brise s’est levé et les bateaux du mouillage ont tourné. Je me ravise, songeant que le soleil commence à me taper sur la tête malgré mon couvre chef et réalise que dans mon livre, l’héroïne se retrouve entre illusion et réalité… Absorbée par ce récit, il se pourrait bien que je sois, moi aussi, sujette à quelques chimères. Je replonge donc le nez dans la vibrante Patagonie.
Soudain, l’ombre de Jules se déplace rapidement et sans bruit – il se pourrait bien qu’il ait été indien Yamana dans une autre vie – je relève la tête : la proue du yacht se situe à présent à 1,50 m de l’étrave de Sea View et continue lentement à déraper. Dans un calme assez déconcertant, Jules amortit le premier choc et part chercher des pare-battages. Je me précipite à l’avant pour prendre la relève avec l’aide des deux propriétaires, alors que le yacht de 25m continue à progresser lentement. J’ai bien conscience que c’est tout ce qu’il ne faut pas faire et pourtant je ne peux me contenter d’être témoin de cette scène sans intervenir. Nous leur crions : « hurry up, YOUR ANCHOR IS MOVING !! » Nos interlocuteurs nous regardent ébettés, les bras ballants, deux femmes cigarettes au bec continuent de lézarder en commentant la scène de leur matelas... La passivité de l’équipage nous laisse penser qu’ils nous prennent pour des saltimbanques ayant mal mouillé leur ancre. A moins que la taille de leur yacht ne les rende intouchables.
Finalement David embrasse Goliath, les coques se frôlent.
On retourne à l’avant constater les dégâts, plus de peur que de mal. Ils finissent enfin par remonter leur ancre et l'on s’aperçoit qu’ils n’avaient au plus que 20m de chaine, par 10m de fond (alors qu'il est conseillé de mettre 5/6 fois la hauteur d’eau pour éviter les dérapages). No comment. Pas de « sorry » de leur part non plus. Ils rejoignent leurs amis attablés à l’arrière du bateau et les deux greluches – que cette collision ne semble avoir en rien ébranlées - continuent de caqueter. L’incident est clos.
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